Le tabou de l'argent dans l'art
Non, je ne travaille pas gratuitement et voici pourquoi !
Guisela Mailhe
Il y a quelque temps, dans une discussion privée, j’ai mentionné que j’étais artiste, et la réponse immédiate a été : « Ah… donc vous ne gagnez pas bien votre vie ! »
Sans connaître mon parcours, sans même poser de questions. Juste une conclusion automatique, presque banale et ce genre de remarque en dit long et elle révèle deux choses :
L’image sociale du métier d’artiste, vu comme une passion au rabais, sans réelle valeur « productive » ;
Et un manque d’éducation culturelle, qui empêche une juste reconnaissance du travail artistique.
Mais allons un peu plus loin...
L'ARTISTE QUE NOUS ÉTIONS TOUS
Tous les enfants sont naturellement artistes. Ils aiment les couleurs, les formes, les matières. On les encourage à dessiner, colorier, s’amuser, mais très vite, la créativité devient un simple « passe-temps ».
À l’école, elle est reléguée au second plan, les cours d’arts plastiques sont minimisés, les sorties culturelles presque inexistantes.
Et l’adolescent qui rêve de vivre de son art entend trop souvent : « Ce n’est pas un vrai métier, trouve un plan B ».
Pourquoi ? Parce que dans notre société, la valeur se mesure presque uniquement en argent. Et si une activité ne rapporte pas (assez), elle ne vaut rien, même si elle nourrit l’âme, les idées, le lien social, la beauté.
L'ILLUSION DE LA RÉUSSITE
La réussite est souvent confondue avec le pouvoir d’achat mais à quel prix ? On oublie que gagner toujours plus entraîne parfois la perte du temps pour soi ou sa famille, perte du lien, éloignement de la nature, perte de sa liberté.
Je ne dis pas que l’argent est mal. Je dis que l’art ne devrait pas être gratuit juste parce qu’il est fait avec passion.
CE QUE VAUT UN TRAVAIL ARTISTIQUE
Oui, beaucoup d’artistes ont un métier « alimentaire » à côté mais cela ne veut pas dire que leur art est gratuit. Préparer un atelier, un cours ou une affiche, cela prend du temps, de l’énergie, des matériaux, du savoir-faire, et pourtant, on voit encore des associations ou institutions demander des interventions gratuites, en précisant bien leur « petit budget ».
Mais un plombier, un traiteur ou un électricien, eux, seront payés au juste prix. Alors pourquoi pas un artiste ?
UN CRIS DU CŒUR
Je refuse de croire que ce manque de reconnaissance soit une fatalité. Je veux croire qu’en parlant, en écrivant, en éduquant… on peut changer ce regard.
Oui, l’artiste doit payer son pain, ses charges, ses impôts, et s’il a envie de faire du bénévolat, il le fera, par choix, comme n’importe quel professionnel, mais il ne devrait jamais être attendu, imposé ou dévalorisé pour cela.
EN CONCLUSION
Ce texte n’est pas une plainte, c’est un positionnement. Améliorer la place des artistes dans la société est un travail collectif.
Oui, les politiques culturelles ont leur part de responsabilité, mais nous, les artistes, avons aussi un rôle essentiel à jouer :
Ouvrons plus souvent nos ateliers au public et montrons le travail invisible, celui de l’ombre : les essais, les recherches, les ratés, les heures silencieuses.
Expliquons nos prix dans nos expositions, affichons le pourquoi et le comment d’une œuvre.
Sensibilisons nos mairies, surtout en zones rurales, pour transformer les salles des fêtes en lieux d’art vivants, accessibles et pluridisciplinaires.Encourageons les artistes amateurs à se professionnaliser. Les démarches sont plus simples qu’avant, et leur reconnaissance passe aussi par là car quand certains bradent leurs créations, c’est toute la profession qui en souffre.
Être artiste, c’est un métier à part entière. Ce n'est pas un simple passe-temps, c'est métier fait de passion mais aussi de rigueur et d’engagement.
‼️ Il est temps de le dire, de l’assumer, de le revendiquer :
" Il mérite simplement ce que tout travail demande — reconnaissance, respect et juste rémunération ".